Interview réalisée avec Frédéric, fondateur de l'association Je Bouge pour Moral qui combat la dépression et le burnout par le sport. Il nous raconte comment le programme d'accompagnement permet des effets importants des 5 semaines sur la réduction de la dépression et l'amélioration de l'estime de soi.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Frédéric Leroy, j’ai 52 ans, je suis Français et avant de créer Je Bouge pour mon Moral j’ai eu une longue carrière en entreprise. En poste de direction chez Danone notamment j’ai eu l’occasion de découvrir le coaching et le pouvoir de cet outil sur la transformation de soi, raison pour laquelle je me suis aussi formé comme coach.
Depuis un an et demi je me dédie à 100 % au projet associatif Je Bouge pour mon moral qui est né de mon expérience personnelle.
Pouvez-vous nous raconter l’origine de Je Bouge pour mon Moral ?
J’ai été amené il y a 2 ans à accompagner mon fils à traverser une dépression. J’ai découvert cette maladie et notamment le cercle vicieux qu’elle représente: plus on se sent mal et moins on a envie de bouger, moins on bouge et plus on se sent mal.
Par ailleurs, j’avais toujours considéré le sport comme un élément de stabilité personnelle. C’était une sorte de soupape de sécurité lorsque j’occupais des positions stressantes et j’ai donc commencé à me renseigner sur l’impact de l’activité physique sur le moral.
J’ai découvert que l’activité physique était encore peu utilisée dans l’accompagnement de la dépression. Et ceci alors même que le sujet est très documenté scientifiquement. C’est en partie cela qui a aidé mon fils à remonter la pente et j’ai eu envie de répliquer cette expérience personnelle auprès d’un public fragile qui en a besoin.
L’association Je Bouge pour mon Moral propose un programme accompagné de 7 à 8 semaines pendant lesquelles les participants répartis en groupes de 8 à 12 personnes vont pratiquer ensemble 2 fois par semaine de l’activité physique (marche nordique).
Nous proposons par ailleurs pour ceux qui le souhaitent des ateliers pour apprendre à gérer ses émotions et le stress, qui sont des facteurs de rechute importants.
Ces ateliers s’appuient notamment sur les principes de la thérapie ACT qui postule qu’il est important de ne pas aller à l’encontre ses émotions douloureuses mais au contraire qu’il faut les accepter avant de pouvoir se reconnecter à ses objectifs et valeurs. Le constat c’est que l’on guérit en se ré-impliquant dans la vie.
Le programme permet des effets sur 3 difficultés rencontrées par les malades pendant la dépression:
- la souffrance psychique qui est soulagée rapidement par l’activité physique
- le risque de rechute grâce aux ateliers de gestion du stress et des émotions
- le manque de relation sociale en fédérant une communauté qui continue souvent de se voir après la fin du programme.
Qu’est-ce que vous amenez en plus des moyens traditionnels d’action contre la dépression ?
Les deux manières classiques de traiter la dépression (lorsqu’elle est diagnostiquée) sont les antidépresseurs et l’accompagnement psychothérapeutique. Ces deux moyens sont essentiels à la guérison et nous n’avons pas l’ambition de remplacer l’un ou l’autre.
Le problème de ces outils est le temps qu’ils mettent à agir. Pour les antidépresseurs, il faut trouver la bonne molécule et la bonne posologie. Pour la thérapie il faut plusieurs semaines ou mois après avoir trouvé le bon thérapeute. Les effets sur le malade peuvent donc mettre des mois avant de se faire sentir.
Nous avons mesuré scientifiquement l’impact du programme sur nos cohortes de malades et les effets sont très rapides ! Après 5 semaines nous mesurons une réduction de presque 40% de la dépression, qui se porte à 50% après 10 semaines.
Nous apportons donc une réponse rapide et très complémentaire aux thérapies actuelles.
Vous avez partagé la difficulté de diagnostiquer une dépression. Quels sont les symptômes qui devraient nous alerter ?
La complexité vient du manque de prise de recul lorsque l’on traverse une phase dépressive. La personne n’est pas toujours capable de voir qu’elle ne va pas bien, et elle a souvent encore plus de mal à mettre en œuvre une action pour solliciter de l’aide.
Les symptômes sont variés mais deux sont essentiels : l’anhédonie (perte d’intérêt et de plaisir) et l’humeur dépressive qui se caractérise par une tristesse quotidienne, presque toute la journée, pendant plus de 15 jours.
Dans ce type de situation, il faut absolument consulter. On remarque que les premières consultations sont souvent trop tardives !
Votre équipe est composée de spécialistes en micronutrition, sophrologie, méditation… quel est l’intérêt de cette approche pluridisciplinaire ?
Au lancement du programme nous avons consulté plus de 150 malades pour identifier leurs besoins. La volonté d’agir soi même sur la maladie (en plus des traitements) est apparue régulièrement et nous complétons donc le programme d’activité sportive par des ateliers thématiques pour donner aux malades des connaissances et des compétences essentielles au rétablissement.
Des compétences en gestion des émotions et gestion du stress avec des méthodes de sophrologie et de pleine conscience pour limiter le risque de rechute. Des connaissances sur les habitudes de vie bénéfiques au rétablissement, comme l’alimentation ou le sommeil qui jouent un rôle fondamental.
Vous avez mentionné plus tôt la mesure scientifique des effets du programme. Pouvez-vous nous expliquer les mécanismes à l'œuvre ?
Il y a beaucoup de raisons possibles de l’efficacité de l’activité physique, sans qu’il soit possible d’en pointer une seule à l’origine des bienfaits.
Il est probable que des mécanismes physiologiques entrent en jeu avec la création de nouvelles connexions neuronales, la libération de neurotransmetteurs ou la faculté de récupération physiologique plus rapide vis-à-vis d’un stress.
Il y a également des pistes psychiques avec l’augmentation de l’estime de soi à travers l’amélioration du sentiment de compétence personnelle et de l’image corporelle, mais aussi l’effet de distraction des ruminations, très courantes dans la dépression.
Enfin des pistes sociales, puisque la pratique de l’activité physique est souvent l’occasion d’une connexion avec d’autres personnes, et est très valorisée socialement.
En guise de conclusion pouvez-vous nous dire ce qui attend Je Bouge pour mon Moral dans le futur ?
Nos premiers programmes sont situés autour de Nancy et nous aimerions déployer l’activité dans le plus de villes possible. Pour cela nous devons trouver un modèle économique et un schéma organisationnel qui permette de pérenniser notre action tout en restant accessible pour les malades.
Une première piste est de travailler avec des intervenants professionnels et d’obtenir des financements publics. Nous avons par exemple le soutien de l’ARS Grand Est sur le financement du programme dans la région et j’ai espoir de voir ce schéma se reproduire dans d’autres régions de France !
Une deuxième piste est de travailler avec des bénévoles principalement ce qui permettrait de déployer le programme avec un minimum de coûts et donc un maximum d'accessibilité financière pour les participants. Nous travaillons avec France Dépression Champagne Ardenne pour tester ce mode d’accompagnement à partir de janvier 2023.
Dans tous les cas, nous recherchons des mécènes publics ou privés pour nous aider dans cette phase de déploiement de nos activités. A bon entendeur salut :)