Re-SenS, augmente les perceptions sensorielles de ceux qui ont en besoin grâce à la technologie.

Interview réalisée avec Geoffrey Marino, fondateur de la société Re-SenS et concepteur de solutions d'augmentation sensorielle pour un public malvoyant, malentendant, ou plus largement en perte de perception sensorielle.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

J’ai toujours été quelqu’un de curieux, passionné par les sciences et la technologie et je me suis donc orienté vers une formation d’ingénieur. A mon sens le rôle d’un ingénieur est d’apporter des solutions concrètes et utiles à la société.

Je m’y attache depuis plusieurs années avec un combat au cœur de toutes mes actions : la réduction des injustices sociales.

Je suis devenu entrepreneur il y a quelques années car j’étais assez critique envers les boîtes de la tech qui selon moi ne mettaient pas leur technologie au profit des bons combats. Plutôt que de critiquer dans mon coin ces entreprises j’ai décidé de créer la mienne pour montrer qu’il était possible d’utiliser la technologie au service d’une société plus juste et respectueuse de l'environnement.

Mon premier projet était une douche qui permettait de recycler l’eau et l’énergie thermique. Ce projet est tombé à l’eau depuis faute de sens car l’impact serait resté anecdotique face aux enjeux de l'eau et de l’énergie.

Comment avez-vous eu l’idée de créer Re-Sens ?

En faisant de la veille technologique dans des revues scientifiques et les salons de nouvelles technologie comme le CES j’avais vu des innovations sur la miniaturisation de capteurs optiques pour concevoir des drones et des robots.

A la même époque, j'ai découvert la problématique de la cécité en aidant par hasard une personne aveugle à rejoindre un arrêt de bus dans une rue pleine de travaux et d'embûches.

Mon cerveau a connecté les deux informations et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à créer pour mettre ces capteurs optiques au service des aveugles !

Qu’est-ce que vous faîtes chez Re-Sens exactement ?

Si l’idée est venue de la cécité, aujourd’hui Re-Sens s’attaque plus largement à la substitution sensorielle. C'est-à-dire remplacer ou augmenter grâce à la technologie des perceptions sensorielles perdues ou limitées par certains individus: cécité, surdité, perte d’équilibre, perte d’odorat, sens de l’orientation etc.

Notre premier produit sortira cette année. Il s’agit d’un capteur anti-collision qui détecte les objets dangereux et les obstacles à hauteur de visage pour assister les personnes aveugles ou malvoyantes. La canne blanche et le chien guide détectent très bien les objets au sol ou à mi-hauteur mais ne sont pas adaptés à hauteur de visage.

Cela crée des appréhensions voire des traumatismes pour les personnes. Imaginez marcher dans le noir avec la peur constante de se prendre un objet dans le visage  !

Notre capteur miniature Eskeev est très léger, il se clips sur la paire de lunettes et prévient par vibration de la proximité d’un objet. Par ailleurs, l'ergonomie, la facilité de rangement du capteur et de la télécommande et la simplicité d’utilisation sont de vrais marqueurs différenciants vis-à-vis de l’offre existante.

Je continue enfin de tester en conditions réelles ce capteur pour en créer des versions ultérieures qui combineront traitement du signal et sciences cognitives pour accroître encore la pertinence de l’information transmise (ex. optimisation du type d’information, du nombre d’informations assimilables par seconde etc.).

Combien de personnes sont concernées par votre solution ?

On recense en France plus de 200 000 aveugles et plus d’1 million de malvoyants profonds. Mais je souhaite distribuer mon produit partout dans le monde donc le public est encore plus large !

Par ailleurs, je développe toutes mes technologies dans un premier temps pour des personnes en perte sensorielle mais certaines d’entre elles pourront être élargies à une audience nouvelle.

Quel sera le prix de votre technologie pour vos consommateurs ?

C’est un sujet qui m’est cher car je trouve anormal que les technologies dans le monde du handicap soient si chères (d’autant plus que beaucoup sont également en situation financière fragile). Je suis donc très attaché à rendre le prix le plus juste possible et je me rapproche aujourd’hui d’un prix équivalent à un lunettier. Avec une offre aussi sous forme d’abonnement qui permet d’avoir une garantie à vie sur le produit et des mises à jour récurrentes. 

Par ailleurs j’attache une grande importance à la réparabilité de l’appareil par conviction environnementale mais aussi pour la durée de vie du dispositif.

Un petit mot de la fin ?

Je vais essayer de lancer une levée de fonds après commercialisation de mon produit fin 2022. L’objectif est d’une part d’industrialiser la production et d’autre part de continuer la R&D sur d’autres produits comme une aide à l’orientation très prometteuse que je teste pour aider les personnes atteintes de la maladie d’alzheimer.